Les facteurs de succès de la performance commerciale en formation, par Jean-Jacques Machuret
Retour sur le parcours de Jean-Jacques MACHURET, Docteur ès Sciences de Gestion, Enseignant-Chercheur, Consultant Formateur, Mentor et Fondateur de l’ICPF & PSI, qui vient de soutenir une thèse sur les facteurs de la performance commerciale en Formation Professionnelle : le cas du Néo Formateur Consultant (N.F.C.).
Qui êtes-vous ?
Je suis un professionnel atypique de la formation et de la vente. En 50 années de carrière, je suis passé d'une situation sans diplôme, vendeur de voitures, au statut de doctorat en Sciences de Gestion par la grâce du CNAM le 27 juin 2016.
Du terrain à la recherche, pouvez-vous nous décrire en quelques mots de votre parcours ?
Ma carrière se résume en grandes étapes : vendeur, assistant commercial, animateur réseau, formateur, directeur de filiale, cadre supérieur, chef d’entreprise, consultant, formateur, enseignant, chercheur et Docteur en Sciences de Gestion.
En années, cela représente :
- 18 années de commerce et de formation au sein de la société du secteur de commerce automobile sous 3 enseignes différentes : SIMCA Chrysler France, Talbot, Peugeot.
- 10 années de management d’organisme de formation sous la forme originale d’Agence Pédagogique.
- 22 années de consulting indépendant, dont 12 d’enseignement supérieur avec 4 années de travaux de recherche au CNAM. J'ai réussi une VAP (Validation des Acquis Professionnels) pour obtenir le statut de Doctorant puis de Docteur en Sciences de Gestion.
Qu’est-ce qui vous a amené à entreprendre un doctorat après plusieurs années sur le terrain ?
À 75 ans, aujourd’hui, je suis mobilisé par une volonté farouche qui s’illustre par le précepte de Dominique Boucomont, vétérinaire de mes amis : « Il faut toujours penser à planter des arbres pour que les générations futures soient à l’ombre l’été et puissent se chauffer l’hiver ».
J’ai produit des ouvrages sur la thématique de la vente :
- Le guide professionnel de la Vente [1]
- Commerciator [2]
- Stressator, ou comment passer du mauvais au bon stress
- Savoir convaincre en toute circonstance, la méthode de négociation de "l'Obtenance"
Ma volonté première est de transmettre et de fournir des informations opérationnelles. J’ai participé activement à l’évolution de la profession par mon rôle actif au sein de l’AFNOR, j’ai managé pendant plus de 15 ans la Commission Générale de Normalisation Formation Professionnelle et le groupe de normalisation sur le processus de l’action de formation. Cela représente à ce jour plus de 15 normes françaises et internationales. Sans oublier la création de l’ICPF & PSI en 1995.
Qui est le Néo Formateur Consultant ? Pourquoi effectuer une thèse sur lui ?
Contrairement aux autres diplômes qui, quant à eux, démontrent vos connaissances, un titre de Docteur apporte la preuve de votre compétence à pouvoir mener des travaux de recherche et apporter votre contribution à la connaissance. Pour mener les travaux de recherche, il convient de choisir un champ, un secteur, puis un cas précis pour démontrer vos capacités et enfin de pouvoir élargir vos conclusions et recommandations. Ma double culture de formateur et de vendeur m’a conduit vers l’action commerciale en formation professionnelle. Mes actions de transmission de savoir-faire dans le cadre de mon action syndicale et à l’AFNOR m’ont fait choisir le cas des Formateurs Consultants débutants.
Une question m’est apparue depuis longtemps : Pourquoi les N.F.C., face à des clients qui expriment clairement une problématique identifiée, alors qu’ils disposent d’une expertise avérée, n’arrivent-ils pas à se commercialiser et quels sont les facteurs de la performance commerciale en formation professionnelle, pour les N.F.C. ?
La caractéristique fondamentale de l’activité du N.F.C. peut se résumer ainsi : "Le N.F.C. présente la caractéristique majeure de devoir vivre de son expertise pour faire face aux exigences de son statut social et familial. Les effets secondaires de la démarche portent sur la nécessité de définir et d’adopter une posture professionnelle."
Quels sont les facteurs qui déterminent la performance commerciale en formation professionnelle ?
La réponse à cette question se trouve dans le schéma de mes travaux de recherche. Le point de départ est un groupe de 5 N.F.C. par choix aléatoire pour valider la suspicion. Ensuite, l’état de l’art apporte les définitions et l'élaboration des concepts. La revue de littérature identifie les travaux existants dans le domaine en France et dans les pays anglo-saxons. Les concepts d'expertise et de confiance sont ainsi mis en évidence.
Les hypothèses sont définies par le groupe Delphi (20 experts et 4 tours d’expression des opinions) et validées par l'étude quantitative (301 réponses). Résultat : cette méthode propose 2 facteurs de succès : la démonstration de l'expertise et le développement du climat de confiance, portés par 4 principaux paramètres influençant les 2 facteurs de succès : la compréhension du problème du client (95%), l'implication (91%), la réalisation d'actions similaires (86%) et la démonstration des méthodes utilisées (77%).
Selon vos travaux, quelle est l’influence du Législateur dans l’activité commerciale du Formateur Consultant ?
Le Législateur influence directement l’activité commerciale du Formateur Consultant par la loi. Il oblige, depuis 1970, l’Organisme de Formation à prouver son expertise au regard de l’action de formation engagée, donc celle du Formateur Consultant.
Indirectement, le Législateur conduit les acteurs à développer le climat de confiance dans la relation client fournisseur notamment par la qualité. Il faut se souvenir que l’AFNOR a été créée le 17 août 1926 au service de l’intérêt général et du développement économique qui a pour objectif de concevoir et déployer des solutions fondées sur les normes, source de progrès et de confiance. Depuis, l’AFNOR n’a cessé de créer et d’encourager la normalisation et la certification. À ce titre, les experts de l’AFNOR ont été de très bons conseils lors de la création de l’ICPF & PSI.
Quel rapport faites-vous entre la certification ICPF & PSI et vos travaux ?
Au regard des conclusions de mes travaux, force est de constater que la certification ICPF & PSI traite avec précision une part importante de la relation client-fournisseur, en termes de validation de l’expertise par sa nature et son niveau ainsi que pour le développement du climat de confiance par les engagements qualité et déontologique. De plus, il faut prendre acte que la certification ICPF & PSI est de tierce partie, contrairement à l’auto-proclamation habituelle et à la certification de seconde partie proposée par les clients et les syndicats professionnels. Nous sommes dans cette situation en réponse aux exigences du marché : législateur et client et non dans le cadre d’une relation établie pour convenances personnelles. À ce titre, les syndicats professionnels des Formateurs Consultants seraient bien inspirés d’en prendre acte et d’en tenir compte.
Quel a été votre plus grand étonnement, votre plus grande surprise dans vos travaux ?
Le rapport qu’entretient la profession des "Formateurs Consultants" avec la qualité. D’expérience, les Formateurs Consultants méconnaissent les règles fondamentales de la qualité. Par exemple, ils confondent la qualité en tant que valeur relative utilisée dans le cadre professionnel, faire ce qui est attendu par le client (ni plus, ni moins), avec la qualité en tant que valeur absolue celle du langage populaire, faire le maximum. Une autre confusion plutôt amusante est celle de l’utilisation du vocable : "label" qui est utilisé en réalité dans l'agro-alimentaire à l'instar du "poulet label rouge".
Ma très grande surprise, pour en venir à la question est survenue lors de l’analyse du verbatim des réponses traitant des conseils et de l’action théorique à mener pour performer. Le vocabulaire utilisé décrit précisément les caractéristiques de la démarche qualité. Ceci propose un véritable paradoxe, les Formateurs Consultants connaissent de façon inconsciente les principes de la qualité en utilisant des préceptes contraires.
Dans un contexte où le N.F.C. doit plus que jamais se démarquer, quelles recommandations managériales lui donneriez-vous ?
Mes recommandations managériales éclairées par le groupe d’experts proposent aux N.F.C. de développer leur charisme et de faire autorité par la maîtrise de la rhétorique. Si le travail le dispute au talent, le N.F.C. verra les facteurs de sa performance commerciale transformer son expérience en expertise et son expertise en revenu. Cette démarche est une application du marketing de soi.
Nous pouvons observer que ceci s’applique aussi bien aux Formateurs Consultants expérimentés qui souhaitent améliorer leurs performances commerciales.
En résumé, au lieu d’utiliser les diplômes, l’ancienneté et les recommandations, le Formateur Consultant doit faire comprendre sa position sur les paramètres qui présentent le taux d’influence le plus important : la compréhension du problème du client (95%), l'implication (91%), la réalisation d'actions similaires (86%) et la démonstration des méthodes utilisées (77%). Il suffit de dire au client : "J’ai compris votre situation ! J’ai très envie de le faire, d’ailleurs j’ai déjà réalisé des actions similaires et enfin je possède les bonnes pratiques sur le sujet."
Une dernière question en forme d’épilogue, les conclusions de vos travaux s’appliquent-elles uniquement aux Néo Formateurs Consultants ?
Durant ma soutenance, le jury en général et les rapporteurs en particulier dans leurs commentaires m’ont recommandé formellement d’élargir le champ de mes recommandations managériales. De fait, les conclusions s’appliquent à toutes les situations où une personne a besoin de faire accréditer son expertise et de développer le climat de confiance en dépit du statut consultant, salarié, vacataire... Cette action peut être mise en œuvre par le modèle de marketing de soi que j’ai développé, mais cela est le début d’une autre histoire.
[1] Guide professionnel de la vente, CHARLOT D’AMART J., DELOCHE D., MACHURET J.-J., Techniplus 1989, 221 p.[2] Commerciator, MACHURET J.-J., DELOCHE D., CHARLOT D’AMART J., Interedition, 1993, 718 p.