Qualiopi & Universités d’entreprise : un modèle à adapter pour les grands groupesLogo icpf

Qualiopi & Universités d’entreprise : un modèle à adapter pour les grands groupes

7/10/2025

Depuis 2019, Qualiopi s’est imposé comme le référentiel qualité incontournable pour les organismes de formation souhaitant bénéficier de financements publics ou mutualisés.

Cette certification, pensée pour structurer et professionnaliser le secteur, repose sur un cadre juridique précis et des modalités d’audit normalisées. Mais qu’en est-il des universités et CFA d’Entreprise, acteurs stratégiques pour la transmission des savoir-faire Métiers ?

Ces structures intragroupe, essentielles à la compétitivité des grands groupes, ne rentrent juridiquement ou fonctionnellement dans aucune des catégories prévues par la réglementation : ni “mono-site”, ni “multi-sites”.

Ce vide réglementaire crée un angle mort qui fragilise leur conformité. Cet article vise à proposer une modernisation nécessaire, permettant à Qualiopi de rester exigeant tout en devenant pleinement applicable.

PARTIE 1 : Université d’entreprise : une fonction, pas une société indépendante.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, un « groupe » d’entreprises n’existe pas juridiquement. Ce que la loi reconnaît, ce sont des sociétés distinctes : une maison mère et des filiales, chacune disposant de sa propre personnalité morale et d’un numéro SIREN unique (Code de commerce, art. L.233-1 et suivants).

L’université d’entreprise ne constitue donc pas une entité autonome. C’est une fonction centrale, créée par la maison mère ou une filiale, pour piloter la formation professionnelle à l’échelle du groupe.

Ses missions dépassent largement le rôle d’un organisme classique : orientée client interne, elle vise la professionnalisation et le développement des expertises par « Métiers ».

Trois piliers de fonctionnement :

  1. La fonction centrale : détient le numéro de déclaration d’activité (NDA), indispensable pour être reconnue comme organisme de formation, et pilote le système qualité.
  2. Les filiales : accueillent les formations dans leurs locaux, ateliers ou plateaux techniques, et mobilisent leurs salariés comme formateurs internes. La plupart n’ont ni NDA, ni certification Qualiopi.
  3. Les flux financiers intragroupe : lorsque des filiales mettent leurs moyens à disposition, cela donne lieu à des refacturations, qui sont souvent assimilées juridiquement à de la sous-traitance, même si dans les faits il s’agit de fonctionnement interne.

En pratique, l’Université d’entreprise agit comme un chef d’orchestre pédagogique, mais sa capacité à délivrer les formations dépend directement de ses filiales.

Exemples :

  • Automobile : formations pratiques dans les centres techniques des filiales, animées par des techniciens experts.
  • Luxe : ateliers d’artisans de chaque filiale accueillant des alternants pour transmettre des savoir-faire rares.
  • Logement social : antennes locales formant les collaborateurs, actionnaires et employés aux métiers et aux réglementations.

PARTIE 2 : Un cadre réglementaire exigeant mais limité

Trois textes structurent aujourd’hui la formation professionnelle :

  1. Décret n°2019-565 du 6 juin 2019 : impose la certification Qualiopi pour accéder aux financements publics ou mutualisés.
  2. Décret n°2023-1350 du 28 décembre 2023 : encadre strictement la sous-traitance (contrat écrit obligatoire, NDA pour le sous-traitant, interdiction de la sous-traitance en cascade, notamment pour le CPF).
  3. Arrêté du 6 juin 2019 : précise que le donneur d’ordre reste responsable de la qualité des formations réalisées par ses sous-traitants.

À ces textes s’ajoutent le Guide de lecture Qualiopi et la FAQ V2, qui distinguent :

  • Les organismes mono-sites,
  • Les organismes multi-sites (établissements dépendant du même SIREN et pilotés de manière centralisée).

Problème : les universités d’entreprise ne correspondent à aucun de ces deux statuts, ni d’un point de vue fonctionnel, ni d’un point de vue juridique.

Autres textes compliquant la situation

  1. Loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 (dite “loi Boutin”) : définit la sous-traitance comme « l’opération par laquelle un entrepreneur confie à un tiers l’exécution de tout ou partie du contrat, sous sa responsabilité exclusive vis-à-vis du donneur d’ordre. »
  2. Code du travail – article L.6351-1 : stipule que « toute personne physique ou morale qui réalise des actions de formation professionnelle (…) doit déposer auprès     de l’autorité administrative compétente une déclaration d’activité. ».

Traduction concrète :

Toute entité qui délivre des actions de formation et possède un SIREN doit obligatoirement avoir un NDA.

Dans le cas des universités d’entreprise :

  • Une filiale qui dispense des formations sans NDA est en non-conformité,
  • Si elle refacture ses interventions, cela est assimilé à de la sous-traitance.

C’est le cœur du paradoxe : les universités d’entreprise fonctionnent comme des multi-sites (sans sous-traitance), mais juridiquement, chaque filiale devrait être traitée comme un organisme indépendant (sous-traitant avec NDA).

PARTIE 3 : Le cas particulier du CFA d’entreprise

Les CFA d’entreprise accentuent encore ce paradoxe.

Exemple : La maison mère crée son CFA et détient le NDA.

  • Les alternants se forment dans les ateliers des filiales (juridiquement indépendantes, mais sans NDA), encadrés par leurs propres salariés aux fonctions pédagogiques, administratives, RH, …).
  • Pour certaines matières transverses (langues, culture générale, réglementation), les filiales font appel à un organisme externe (privé ou public) qui fait à son tour appel à des formateurs indépendants.

Résultat :

Cela crée une sous-traitance en cascade (CFA d’entreprise → les Filiales indépendantes → Les organismes externes), expressément interdite par le décret de 2023 relatif à la sous-traitance.

PARTIE 4. Vers un modèle adapté : Universités et CFA d’Entreprise comme assimilés à des « multi-sites intragroupe »

Face à ce constat, il semble indispensable d’inventer une troisième voie, entre mono- site et multi-sites. Cette solution intermédiaire permettrait de reconnaître la spécificité très représentative des universités et des CFA d’entreprise.

Trois pistes concrètes :

  1. Élargir la notion de multi-sites : Autoriser une Université ou un CFA central à intégrer des filiales avec des SIREN distincts, dès lors qu’un pilotage centralisé et homogène existe au sein d’un Groupe.
  2. Adapter les règles d’audit. Qualiopi prévoit déjà un mode d’audit spécifique pour les multi-sites : rôle fort de la fonction centrale, cohérence des processus, échantillonnage aléatoire de sites. Ces principes pourraient être transposés aux universités et CFA intragroupe.
  3. Reconnaître la mise à disposition de ressources comme interne quelques soient les refacturations intragroupes. Un salarié de filiale qui anime une formation ne devrait pas être considéré comme sous-traitant, mais comme une ressource interne mobilisée. Cette pratique, même en cas de refacturation, pourrait être sécurisée par :
    • Un écrit clair définissant les conditions de collaboration,
    • Une intégration au système qualité central (suivi des compétences, preuves, évaluations).

CONCLUSION. Les bénéfices d’une telle évolution

 Une adaptation pragmatique du cadre réglementaire aurait de nombreux avantages pour les parties prenantes dont les 3 suivantes :

1. Pour les Universités et CFA d’Entreprise :

  • Sécurité juridique renforcée,
  • Allègement administratif,
  • Reconnaissance officielle de leur rôle stratégique.

2. Pour les Certificateurs Qualiopi et leurs auditeurs :

  • Un référentiel de certification plus lisible,
  • Des audits plus homogènes,
  • Une meilleure compréhension des réalités organisationnelles.

3. Pour les pouvoirs publics :

  • Maintien de l’exigence qualité,
  • Crédibilité renforcée de Qualiopi,
  • Adaptation aux réalités économiques des grands groupes.

L’enjeu n’est pas d’assouplir Qualiopi, mais de l’aligner avec les réalités du marché afin qu’il demeure applicable et crédible aux yeux des grands groupes. D’autres pistes (je l’espère) pourront être explorées pour garantir la conformité juridique des fonctionnements intragroupes.

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Auteur
Charlotte Hissette

Charlotte Hissette

Charlotte By HI7Network
Auditrice – Consultante en management de projet Qualité
Résumé
"Ces structures intragroupe, essentielles à la compétitivité des grands groupes, ne rentrent juridiquement ou fonctionnellement dans aucune des catégories prévues par la réglementation."
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