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Qualiopi, une certification faite pour les (petites) associations ?
Cela est parfois considéré comme une anomalie pour ceux qui considèrent que la formation est un marché comme un autre, mais les associations occupent une place notable dans le paysage de la formation professionnelle en France. La dernière enquête du Céreq et de la DARES liée aux transformations de l’offre de formation [1] montre ainsi que les acteurs de l’économie sociale (associations mais aussi quelques fondations)représentent 13% des organismes pour 21% du chiffre d’affaires du secteur.
Ce sont essentiellement des acteurs historiques, souvent issus de l’éducation populaire, qui sont tous certifiés Qualiopi depuis l’origine.
Mais qu’en est-il des associations plus petites, qui dont développé des expertises spécifiques, inventé parfois de nouveaux métiers, et peuvent avoir néanmoins peur de se lancer dans une démarche de certification Qualiopi ?
Car au-delà des recommandations des acteurs spécialisés à hybrider leur modèle économique [2], beaucoup d’associations sont sollicitées par leurs financeurs historiques qui souhaiteraient que certaines de leurs subventions soient remplacées par des recettes issues de la formation professionnelle.
Or, si Qualiopi est bien accessible aux associations de toute taille, les questions à se poser sont en fait des questions stratégiques.
Oui, Qualiopi est accessible aux associations de toute taille !
Quelle que soit la taille de votre association (ou d‘ailleurs de toute structure), Qualiopi est accessible : un tiers des micro-OF au sens du Céreq (nombre de salariés et formateurs inférieur ou égal à1 et SASU/EURL/EIRL) sont certifiés Qualiopi.
Pourquoi ? Parce que Qualiopi est compatible avec un grand nombre de modes de fonctionnement différents. Que vous mobilisiez des salariés ou des bénévoles, que vous ayez des modalités d’évaluation alternatives (c’est souvent le cas des acteurs de l’éducation populaire) ou plus classiques, ce qui compte c’est notamment la capacité à prouver que votre association est dans une logique d’amélioration continue de son service :vous avez placé des « capteurs » qui vous donnent des informations sur la qualité de vos actions (indicateurs de satisfaction, remontées des réclamations,…) et vous les analysez pour pouvoir vous améliorer.
L’expertise développée par les associations est même souvent valorisée en audit
Prenons par exemple l’indicateur lié à l’analyse du besoin du bénéficiaire, c’est-à-dire des apprenants et futurs apprenants. Ces mêmes besoins sont souvent à l’origine de la création de vos associations, qui sont très souvent en contact quasi permanent avec les bénéficiaires qu’elles veulent former. Cette analyse de besoin est donc très simple et rapide à démontrer.
Plus largement, j’ai eu la chance de constater que, pour de très nombreuses associations, transmettre, développer le pouvoir d’agir des stagiaires (il est facile de deviner que je viens du monde de l’insertion par l’activité économique) était plus qu’un objectif mais une véritable obsession.
Or qui dit obsession, dit priorité à l’impact sur les bénéficiaires par rapport à l’optimisation de la marge et très souvent capacité à démontrer que les outils pédagogiques sont efficaces et que l’accompagnement est efficace.
Les vraies questions sont stratégiques
Ceux qui à la lecture du dernier paragraphe se sont dits que vraiment « passion n’est pas raison » et que les sentiments, c’est bien beau mais ça ne nourrit pas son association, peuvent quand même continuer la lecture de cet article.
Car quatre questions clefs, stratégiques mais extrêmement terre à terre, méritent d’être posées avant d’initier une démarche de création d’un organisme de formation et de certification Qualiopi.
La solvabilisation des clients potentiels
Beaucoup d’associations, quand on leur pose la question de leur « cible », évoquent spontanément un large spectre de bénéficiaires : bénévoles, demandeurs d’emploi, membres de la fonction publique hospitalière, de la fonction publique d’état, salariés du privé, retraités, etc.
Or si les besoins sont souvent très vastes et rarement pourvus, il ne faut pas oublier qu’un client n’est pas une personne qui exprime un besoin mais quelqu’un qui va vous payer. Si vos clients potentiels ne sont pas solvabilisés, si quelque part un budget formation auquel vous pourriez prétendre n’existe pas ou est déjà utilisé, la génération de chiffre d’affaires sera très compliquée et votre organisme de formation vous coûtera plus qu’il ne vous rapportera.
Les moyens affectés à cette mission
Qui prends en charge le développement de l’activité formation ? Qui gère le lien avec les clients ? Qui s’assure de la production des preuves dans la durée ?
Il y a souvent des synergies à aller chercher avec vos activités actuelles et il peut être parfois simple de vendre vos formations. Néanmoins, si ce n’est pas le cas, il va falloir investir dans une démarche commerciale (dans le monde réel ou sur les réseaux sociaux) et intégrer ces dépenses dans le budget prévisionnel.
Il est également indispensable de bien anticiper les temps d’interaction avec les clients/bénéficiaires des actions de formation :ils sont très supérieurs à ceux induits par une simple inscription à une action subventionnée. Il va falloir renseigner sur les financements possibles, faire signer des conventions, passer du temps avec vos sous-traitants qui dans certain cas ne pourront être de simples prestataires de services, éditer des attestations, gérer des flux financiers (qui peuvent venir des apprenants mais aussi d’OPCO), faire des retours à certains clients, etc.
Enfin, il est aussi crucial de se donner les moyens de collecter les preuves attendues que ce soit pour les actions ante-formation (recueil des besoins spécifiques, invitations, etc.) ou pour les actions post-formation (feuilles d’émargement, satisfaction, …).
Un super logiciel spécialisé, qui collectera automatiquement les preuves « Qualiopi » et gèrera les envois de documents vous fera gagner du temps. Mais même si un agent boosté par l’IA arrive sur le marché, et que vous acceptez de l’utiliser, il faudra toujours superviser son activité et cela vous demandera du temps.
Comment choisir ses tarifs pour être viable ?
Vous l’avez compris, au-delà des coûts liés aux audits de certification, il va falloir construire un modèle économique qui soit au minimum équilibré et qui concilie maintien de la qualité dans la durée, atteinte de vos objectifs financiers et fixation de prix finançables par vos clients ou leur OPCO.
Trois écueils principaux sont à éviter.
Un problème de « Burn out » de votre équipe
Si les temps de conception pédagogique, de gestion, d’accompagnement des publics, … n’ont pas été anticipés, une surcharge de travail peut rapidement intervenir surtout si vos premiers parcours sont des parcours longs et certifiants.
Attention à ne pas fixer un prix trop bas, car sinon vos salariés (souvent salariées) ne pourront pas tout faire sereinement. Vous pouvez également prévoir d’investir dans la conception d’outils pédagogiques au démarrage (ce n’est pas parce que vous êtes des experts que vous avez déjà tous les outils)pour faciliter la mise en place des premières formations longues.
Un problème de « surqualité »
C’est à dire des formations qui, une fois prises en compte tous les temps passés sont trop chères pour permettre un équilibre financier.
Il faudra expliquer à vos formateurs qu’on ne peut pas réécrire la formation à chaque session pendant 3 ans, que les veilles techniques sont indispensables mais que le temps imparti est limité,… J’exagère bien entendu mais j’ai vraiment rencontré des associations dans ce type de situation.
La perte de sens
Si vous avez créé une association, c’est souvent pour votre développer ou au minimum conserver votre impact, pas pour votre capacité à dégager de la marge en arbitrant sur la qualité ou la satisfaction des bénéficiaires.
La création d’une activité commerciale (j’ose à peine écrire lucrative) presque classique peut parfois être difficilement acceptée par vos équipes ou votre conseil d’administration. Mais peu importent les mots utilisés (pour les associations culturelles on utilise souvent le terme diffusion plutôt que commercialisation), le plus important est d’être cohérent avec votre mission.
La formation est une activité lucrative :attention à la fiscalisation !
Je vous souhaite d’être rapidement concerné par cette dernière recommandation, importante pour éviter une fiscalisation totale de vos activités. Attention à ne pas confondre exonération possible de TVA (effectivement possible pour les activités formation) et non soumission aux impôts commerciaux.
Rappelons qu’une association peut être exonérée des impôts commerciaux si elle remplit les 3 conditions suivantes :
- La majorité de ses activités est non lucrative
- Sa gestion est désintéressée
- Le montant des recettes générées par l'une des activités accessoires ne doit pas dépasser 80 011 € sur une année civile. [3]
Si vous anticiper des recettes supérieures à ce seuil, la sectorisation d’un secteur lucratif au sein de votre association ou la création d’une filiale dédiée à la formation est à anticiper.
Ressources utiles :
[1]Cereq Bref 459-460, Jean-marie Dubois, Hugo Schianchi, Novembre 2024
[2]Par exemple, le guide « j’affûte mon modèle économique » France Active, Mirova, Dec 2024
[3]https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F34104pour une description simple des textes en vigueur
