Évolutions du CPF en 2023 : Quel impact pour les organismes de formation et les sous-traitants ?
Mise à jour le 03 janvier 2024
Le Décret n° 2023-1350 du 28 décembre 2023 impose l'obtention de la certification Qualiopi à partir du 1er avril 2024 en tant que sous-traitant(e) pour le compte d'organismes donneurs d'ordres certifiés pour des actions éligibles au CPF. Simplifiez votre compréhension et identifiez vos prochaines étapes vers la conformité.
Lors de la création du Compte Personnel de Formation, la volonté des gouvernants était d’alimenter largement l’offre de formation et de favoriser l’utilisation du dispositif pour permettre un lancement réussi.
La réussite est au rendez-vous puisqu’on dénombre 38.8 millions de titulaires d’un compte CPF alimenté, et que depuis le 21 novembre 2019, 3.9 millions dossiers ont été acceptés pour un montant total de 5.11 milliards d’euros. Face à ce marché, des réseaux se sont créés pour détourner les fonds de la formation, un peu comme nous les avons connus sur la taxe Carbone. Qui d’entre nous n’a pas reçu un SMS ou un appel téléphonique d’une société soi-disant mandatée par l’Etat pour l’accompagner à utiliser son CPF.
Le législateur a fait évoluer la Loi afin de mieux réguler l’accès aux financements CPF. Évidemment, ces évolutions ont des impacts pour les bénéficiaires et les prestataires de formation.
Instauration d’un reste à charge
Un décret attendu pour confirmer ou non son instauration
Un amendement a été inséré à la loi de finances pour 2023, prévoyant une participation du salarié au coût d'une action de formation, d'une validation des acquis de l'expérience (VAE) ou d'un bilan de compétences effectués dans le cadre du CPF1.
Le 9 mai dernier, le Ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a évoqué la possibilité d’instaurer un reste à charge de l’ordre de 30 % pour le compte personnel de formation (CPF) sauf lorsque l’employeur paie ou pour les personnes en recherche d’emploi. Le reste à charge ne serait donc pas dû par les demandeurs d'emploi et les salariés dans le cadre de projet co-construit avec leur employeur. Toutefois, le cabinet de la Ministre Carole Grandjean, chargée de l'Enseignement et de la Formation professionnelle a assuré pour le moment que rien n'était encore tranché.
Ce qu’il faut retenir d’une part, c’est que cette participation, selon l’article L. 6323-7 du code du travail pourrait être « proportionnelle au coût de la formation, dans la limite d’un plafond, ou fixée à une somme forfaitaire ». D’autre part, un décret est toujours attendu pour fixer les modalités de mise en œuvre avec notamment des précisions sur le taux de la participation financière et les conditions dans lesquelles il pourra être pris en charge par un tiers. Ce reste à charge n’est donc pas applicable et rien ne change tant que le décret n’est pas publié.
Un reste à charge qui pourrait dissuader certains salariés de réaliser leur projet de formation
Une étude de la DARES2 publiée en février 2023 analyse les usages du compte personnel de formation dans sa configuration actuelle. Elle indique que seulement 8 % des personnes devant entrer en formation CPF en septembre 2022 ont payé une partie de leur formation et que 70% d’entre eux ont payé moins de 500 €.
Dans le détail, 85 % des personnes entrant en formation en septembre dernier dans le cadre du CPF ont payé l’intégralité de la formation grâce aux sommes disponibles sur leur compte. Pour les 15 % restants, il a fallu une intervention extérieure : 8 % venant des titulaires eux-mêmes, donc, 4 % de Pôle emploi et 3 % d’un opérateur de compétences (OPCO) ou de l’Agefiph.
Les utilisateurs du CPF qui ont le plus souvent un reste à charge sont les jeunes, les plus diplômés, les femmes et les indépendants, les cadres et les demandeurs d’emploi. Et cela concerne des formations longues, des formations très coûteuses, des formations au permis de conduire et des formations inscrites au RNCP.
Enfin, 80 % des formations CPF avaient au moins un objectif professionnel fin 2021 (35 % améliorer ses perspectives de carrière, 26 % se reconvertir, 26 % être plus efficace dans son travail).
Ces chiffres indiquent également que le CPF co-construit avec du co-investissement n’est pas encore une pratique développée dans les entreprises et notamment les plus grandes. Gageons que le reste à charge développe les accords de CPF co-construit et permette d’accélérer un dialogue formation entre salariés et employeurs.
Il est probable que l’impact du reste à charge provoque une diminution du nombre de formations réalisées avec ce dispositif de financement. Les publics les plus touchés pourraient être les bas niveaux de qualification (public cible de la loi de 2018) pouvant abandonner leur projet de formation faute de capacité de financement.
L’évolution du CPF dépendra des éléments techniques du décret d’application et principalement du niveau de reste à charge qui sera décidé.
Interdiction du démarchage commercial
Pour rappel, la Loi3 interdit toute prospection commerciale des titulaires d'un compte personnel de formation, par voie téléphonique, par message provenant d'un service de communications interpersonnelles, par courrier électronique ou sur un service de réseaux sociaux en ligne visant à :
- Collecter leurs données à caractère personnel, notamment le montant des droits inscrits sur le compte mentionné au premier alinéa du présent article et leurs données d'identification permettant d'accéder au service dématérialisé ;
- Conclure des contrats portant sur des actions financées par le CPF, à l'exception des sollicitations intervenant dans le cadre d'une action en cours.
Tout manquement est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75000 euros pour une personne physique et 375000 euros pour une personne morale.
Ce dispositif a eu des effets très rapides. Chacun a pu constater l’arrêt ou la très forte diminution de la prospection sauvage des pseudo entreprises de formation aux pratiques frauduleuses. C’est une excellente nouvelle pour les Opérateurs de Compétences et les organismes certifiés Qualiopi qui étaient impactés et voyaient l’image du secteur de la formation se dégrader à cause de ses pratiques illicites.
Encadrement des sous-traitants
À ce jour, un organisme de formation certifié Qualiopi peut sous-traiter tout ou partie d’une formation à un prestataire sans que celui-ci ne soit lui-même certifié Qualiopi. Par contre, le donneur d’ordre doit démontrer les dispositions mises en place pour vérifier le respect de la conformité au référentiel national qualité par le sous-traitant ou le salarié porté.
Un amendement pour encadrer le recours à la sous-traitance
Le législateur a adopté un amendement le 6 octobre 2022 dont l’exposé sommaire est le suivant :
« Selon des chiffres de la Caisse des dépôts, au 15 septembre 2022, 16 567 organismes de formation sont inscrits sur la plateforme, pour une offre d’un peu plus de 200 000 formations. »
Les organismes de formation inscrits sur la plateforme MCF peuvent avoir recours à des organismes de formation sous-traitants pour effectuer les actions de formation proposées sur leur catalogue.
Actuellement, ces organismes de formation sous-traitants n’ont pas l’obligation d’être référencés sur la plateforme MCF et donc d’en respecter les conditions générales d’utilisation. Si le recours à la sous-traitance est légal, certains organismes de formation y font appel de manière systématique et non régulée ce qui peut porter préjudice à la qualité des formations sans moyen d’intervention en retour.
Cet amendement vise donc à encadrer le recours à la sous-traitance pour mettre fin à certaines pratiques qui se sont développées et pour lesquelles le contrôle de la qualité de l’organisme comme celui de l’action de formation est rendu complexe voire impossible.
Par exemple, certains organismes de formation référencés sur la plateforme MCF proposent la vente d’une prestation de service dite « portage Qualiopi ». Cette prestation de portage s’adresse à d’autres organismes de formation qui ne peuvent pas être référencés sur la plateforme MCF car ils ne possèdent pas la certification Qualiopi. Le manque de transparence et d'encadrement de la sous-traitance peut donc cacher des pratiques trompeuses.
Des organismes de portage recourent parfois à la sous-traitance généralisée de leur catalogue et actions de formation qu’ils ne maîtrisent pas puisque ce sont les organismes sous-traitants qui déterminent celles à inscrire à leur catalogue sur la plateforme MCF. D’autres revendiquent publiquement à leurs sous-traitants d’être opérationnels sur la plateforme MCF en 24 heures. Ce délai peut interroger sur la capacité et les moyens mis en œuvre par l’organisme de portage pour contrôler efficacement les formations proposées par son futur sous-traitant.
Les organismes sous-traitants qui adhèrent à ce portage ne sont pas identifiés par la Caisse des dépôts et consignations alors qu’ils pourront faire bénéficier à leurs clients du financement CPF, ce qui constitue un argument commercial à fort impact. En cas de signalement par les stagiaires sur la qualité de la formation rendue, la Caisse des dépôts et consignations ne peut aujourd’hui engager la responsabilité de l’organisme de formation donneur d’ordre référencé sur la plateforme MCF.
Enfin, le recours généralisé à la sous-traitance via des organismes de portage peut tromper les titulaires de comptes CPF sur le prestataire réellement en charge de leur formation car l’organisme de formation n’est pas obligé de leur indiquer qui réalisera réellement la formation.
Les sous-traitants soumis aux mêmes exigences
À travers cette disposition précisée dans la Loi du 9 décembre 2022, les sous-traitants devront respecter les mêmes conditions que celles exigées du donneur d’ordre afin d’être référencés sur la plateforme Mon Compte Formation. En cas de manquement du sous-traitant, le donneur d’ordre pourra être déréférencé.
Il s’agit par cette mesure de rendre les organismes de formation transparents et responsables de la qualité de leurs sous-traitants, d’une part en les déclarant à la Caisse des dépôts et consignations et d’autre part, en interdisant le portage Qualiopi.
L’intention est donc clairement de réguler le recours à la sous traitance et de contrôler la qualité des formations.
Seules les actions de formation réalisées dans le cadre du CPF sont concernées par cette modification législative.
En conclusion, tout comme pour le reste à charge, nous sommes à ce jour dans l’attente d’un décret qui précisera les modalités de mise en œuvre. Sans les éléments précis du décret, il parait hasardeux d’identifier les conséquences pour les organismes de formation qui font appel à la sous traitance.
L’élément central de ce texte est le renforcement des exigences pour les donneurs d’ordre et le contrôle de la sous traitance. Le référentiel Qualiopi a déjà un indicateur sur le sujet. Il se trouve renforcé par ce texte.
[1]Loi n° 2022-1587 du 19 décembre 2022 visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires
[2]DOSSIER Quels sont les usages du compte personnel de formation ? 17 FÉVRIER2023 – DARES – France Compétences
[3]Article L. 6323 8 1 du code du travail
Pour aller plus loin :
CPF : exigences renforcées pour les Organismes de Formation et les sous-traitants